mardi 29 août 2017

Lecture : Pascal Garnier - La place du mort

Après l'excellent "Lune captive dans un œil mort" et le glaçant "Trop près du bord", je poursuis l'exploration exhaustive de la production singulière et noire de Pascal Garnier. 
Je mets de côté le pourtant très bon "Cartons" du même auteur, lu également au printemps, mais qui ne joue pas dans la catégorie noire de ceux-là.
Car avec un titre tel que "La place du mort" publié dans la collection Points Noir, pas de risque de se tromper sur la marchandise. On est bien là en présence d'un bouquin de Pascal Garnier veine sombre. 

Quatrième de couverture
Fabien mène une existence paisible jusqu’au jour où sa femme décède dans un accident de voiture. Un drame n’arrivant jamais seul, il découvre qu’elle était accompagnée de son amant. Fabien, désarçonné mais déterminé, décide de se venger : « Il a piqué ma femme, je lui piquerai sa veuve. » Mais ce désir si légitime va l’entraîner dans une situation abominable.

Comme il s'en est fait une spécialité - et c'est aussi une qualité - Garnier signe un bouquin court, sans matière grasse superflue. Pourquoi rallonger la sauce lorsqu'on peut faire plus court et plus efficace ? Certes on n'est pas en présence de bouquins à l'architecture complexe, aux fils narratifs entremêlés. Garnier ne fait pas du Faulkner, il fait du Garnier et il le fait bien. Comme ses personnages, il ne se prend pas pour un autre et déroule une intrigue simple mais drôlement efficace. 
Comme souvent, ses héros sont des êtres en marge, fragiles et un peu perdus, qui se retrouvent embarqués dans des situations de crise, de folie ou de noirceur implacable. Pourtant rien ne semblait les destiner à cette issue funeste. Mais comme il le fait à chaque fois, l'auteur parvient à nous embarquer dans une histoire où le scénario du pire trouve toujours un moyen de prendre le dessus sur le reste. Mus par une incontrôlable propension à se mettre dans des situations inconfortables, les personnages de Garnier sont à la fois attachants et crispants. Pénibles de ne pas voir le danger qui plane sur une décision, la menace qui auréole une situation dans laquelle ils se mettent d'eux mêmes. Et pourtant le lecteur adhère. C'est aussi un peu ça, le miracle de la littérature.

Le Fabien de ce roman est le prototype de ces caractères qui plaisent tant à Garnier, on le sent écrire avec plaisir et tendresse le quotidien de ces êtres paumés dans une vie trop vaste pour eux. Ce Fabien qui perd sa femme découvre à cette occasion la mascarade de son existence et décide malgré lui de poursuivre la comédie en endossant un autre rôle. Sous des dehors simplistes, avec une intrigue ténue, fort de son style particulier, Garnier pose des questions sur le quotidien de chacun d'entre nous et sur nos propres limites. Et il réussit une fois à nous embarquer pour une paire d'heures de lecture impossible à stopper.

Extrait : 

Sa première réaction fut d’allumer une cigarette et d’aller fumer à poil à la fenêtre. Il n’avait aucune idée de ce que pouvait bien faire Sylvie dans une voiture à Dijon, mais ce dont il était sûr, aussi sûr que du vent qui ébouriffait les poils de son sexe, c’est que Sylvie était morte. D’une pichenette il envoya son mégot rebondir cinq étages plus bas sur le toit d’une Twingo noire.

-Merde alors… je suis veuf, je suis un autre. Comment je vais m’habiller ?  

Pascal Garnier - La place du mort, Points, 5€70, 152 pages

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